Who is Who des Tropheines
Posté: 15 Jan 2014, 13:43
J'attaque comme promis un petit tour des poissons de cette tribu, chose qui n'a pas encore été faite sur ce forum si je ne me trompe pas... (sinon dites-le moi vite).
Remontons au Pleistocène, il y a quelques millions d'années: mon grand-père descend des arbres pour aller piquer leurs restes aux hyènes, ce qui lui permet de faire grossir son cerveau, et à cause des glaciations le climat d'Afrique de l'est est devenu plus sec. Les grands lacs sont réduits à peau de chagrin, le Victoria est à sec, le Malawi riquiqui, et le Tanganyika séparé en trois bassins distincts. Dans le Tanganyika, et depuis longtemps, existent des cichlidés "haplochrominiens", c'est même à partir de là qu'ils vont coloniser toute l'Afrique de l'est.
On ne sait pas combien d'espèces, ni à quoi ils ressemblent exactement, mais probablement à un Simochromis teinté de Ctenochromis et de Limnotilapia, et ils sont adaptés à vivre le long des berges du lac et dans les embouchures des fleuves.
D'un seul coup, lors d'un épisode interglaciaire, le niveau du lac monte en quelques années de plusieurs centaines de mètres, et des populations de ces cichlidés colonisent de nouveaux territoires, rocheux, sableux, vaseux, intermédiaires, le tout très très vite à l'échelle géologique.
Des populations s'isolent, surtout chez les espèces adaptées aux zones rocheuses, qui ne peuvent se disperser très loin de leurs cailloux natals. A ce moment, et en très peu de temps, se produit un phénomène de spéciation explosive, et tout plein d'espèces nouvelles naissent de ces populations isolées.
Comme le pléistocène est composé de plein de périodes glaciaires et interglaciaires, les niveaux du lac fluctuent pendant les 2 millions d'années suivants, avec regroupement de certaines espèces lors des périodes de basses eaux, re-séparation lors des périodes de hautes eaux, hybridations, mélanges, re-isolation et ainsi de suite jusqu'à la période actuelle.
Les dernières spéciations sont encore en cours, et le niveau du lac a encore varié de façon importante il y a moins de 150 ans, avec une montée des eaux de plusieurs mètres qui a ouvert une bonne partie de la zone zambienne du lac à de nouvelles espèces.
Il est donc très difficile de faire le tri dans les différents poissons de cette tribu, qui forment des populations séparées que l'on pourra considérer comme espèce, sous-espèce, ou seulement population géographique selon les gouts de chacun!
Les études génétiques, pour la même raison sont assez difficiles, puisque tous ces poissons sont proches, très proches, les uns des autres au niveau ADN.
Un consensus commence cependant à apparaître dans les dernières publications, et je vais essayer de vous le résumer ici:
une branche des tropheines a donné le genre Tropheus, avec en position basale Tropheus duboisi (2 millions d'années, très proche encore de certains Petrochromis et de Lobochilotes), et plus évolués les autres espèces: Tropheus brichardi, Tropheus annectens, puis Tropheus sp. "black", Tropheus moori, Tropheus sp. "mpimbwe", Tropheus sp. "red" et les poissons du même type (je vous recommande l'excellent article de Patrick Tawil dans l'an cichlid sur le sujet), ces poissons sont appelés les poissons de la lignée III.
Une autre branche, que nous appellerons lignée I, comprend les gros Petrochromis, les teignes, les tueurs en aquariophilie: Petrochromis polyodon, Petrochromis macrognathus, Petrochromis sp. "Kazumbe", Petrochromis sp. "texas", Petrochromis sp. "macrognathus rainbow", Petrochromis sp. "giant" d'un coté, Petrochromis ephipium et Petrochromis trewavasae d'un autre (eux ils sont moins méchants quand même), Lobochilotes labiatus et Simochromis diagramma d'un troisième (quand je vous dit que ce sont les pires).
Une autre branche encore, que nous appelerons lignée II, comprend les petits Petrochromis du groupe famula, avec certainement plusieurs espèces: orange fin, Tembwe, Blue dream, Nkondwe par exemple. Ces poissons sont donc aussi éloignés des gros Petrochromis qu'ils le sont des Tropheus, ou des autres branches de la tribu...
Une autre branche, que nous appellerons lignée IV, comprend Petrochromis fasciolatus, Petrochromis sp. "fasciolatus red eye", Petrochromis orthognathus, Petrochromis sp. "orthognathus Ikola", Interochromis loocki. Ce sont des espèces plutôt gentilles, assez ubiquistes, et peu spécialisées d'un point de vue alimentaire par rapport à celles du groupe I.
Une autre branche encore, que nous appellerons la lignée V, regroupe les espèces un peu basales de la tribu: Ctenochromis horei, Limnotilapia dardennii, Simochromis babaulti, Simochromis marginatus, Simochromis margaretae, Simochromis pleurospilus, Pseudosimochromis curvifrons, "Gnathochromis" pfefferi. Ils sont situés près de la jonction entre les espèces du groupe 1, du groupe 2 et de celles du groupe 4, et ressemblent probablement beaucoup aux ancêtres de tous les tropheines.
Entre la lignée I et la lignée V se trouve un petit groupe d'espèces probablement issues (c'est du moins la dernière interprétation des analyses génétiques) d'une hybridation ancienne entre l'ancêtre commun des poissons du groupe V et un des ancêtres des poissons du groupe I, probablement d'une forme ancestrale du groupe trewavasae/ephippium: il s'agit du groupe des Petrochromis se rencontrant en zone intermédiaire et profonde dans le centre et le sud du lac ( Petrochromis sp. "red Bulu Point", Petrochromis sp. "gold Mtoto", Petrochromis sp. "flame tail", Petrochromis sp. "Kipilli Brown", Petrochromis sp. "orange fin Kitumba").
Ceci implique donc que les genres actuellement définis ne le soient souvent qu'à cause de convergences anatomiques, et des travaux plus poussés sont de toute façon nécessaire afin d'affiner les choses, mais explique au moins pourquoi il y a Petrochromis et "Petrochromis", tant d'un point de vue évolutif que du point de vue aquariologique...
Remontons au Pleistocène, il y a quelques millions d'années: mon grand-père descend des arbres pour aller piquer leurs restes aux hyènes, ce qui lui permet de faire grossir son cerveau, et à cause des glaciations le climat d'Afrique de l'est est devenu plus sec. Les grands lacs sont réduits à peau de chagrin, le Victoria est à sec, le Malawi riquiqui, et le Tanganyika séparé en trois bassins distincts. Dans le Tanganyika, et depuis longtemps, existent des cichlidés "haplochrominiens", c'est même à partir de là qu'ils vont coloniser toute l'Afrique de l'est.
On ne sait pas combien d'espèces, ni à quoi ils ressemblent exactement, mais probablement à un Simochromis teinté de Ctenochromis et de Limnotilapia, et ils sont adaptés à vivre le long des berges du lac et dans les embouchures des fleuves.
D'un seul coup, lors d'un épisode interglaciaire, le niveau du lac monte en quelques années de plusieurs centaines de mètres, et des populations de ces cichlidés colonisent de nouveaux territoires, rocheux, sableux, vaseux, intermédiaires, le tout très très vite à l'échelle géologique.
Des populations s'isolent, surtout chez les espèces adaptées aux zones rocheuses, qui ne peuvent se disperser très loin de leurs cailloux natals. A ce moment, et en très peu de temps, se produit un phénomène de spéciation explosive, et tout plein d'espèces nouvelles naissent de ces populations isolées.
Comme le pléistocène est composé de plein de périodes glaciaires et interglaciaires, les niveaux du lac fluctuent pendant les 2 millions d'années suivants, avec regroupement de certaines espèces lors des périodes de basses eaux, re-séparation lors des périodes de hautes eaux, hybridations, mélanges, re-isolation et ainsi de suite jusqu'à la période actuelle.
Les dernières spéciations sont encore en cours, et le niveau du lac a encore varié de façon importante il y a moins de 150 ans, avec une montée des eaux de plusieurs mètres qui a ouvert une bonne partie de la zone zambienne du lac à de nouvelles espèces.
Il est donc très difficile de faire le tri dans les différents poissons de cette tribu, qui forment des populations séparées que l'on pourra considérer comme espèce, sous-espèce, ou seulement population géographique selon les gouts de chacun!
Les études génétiques, pour la même raison sont assez difficiles, puisque tous ces poissons sont proches, très proches, les uns des autres au niveau ADN.
Un consensus commence cependant à apparaître dans les dernières publications, et je vais essayer de vous le résumer ici:
une branche des tropheines a donné le genre Tropheus, avec en position basale Tropheus duboisi (2 millions d'années, très proche encore de certains Petrochromis et de Lobochilotes), et plus évolués les autres espèces: Tropheus brichardi, Tropheus annectens, puis Tropheus sp. "black", Tropheus moori, Tropheus sp. "mpimbwe", Tropheus sp. "red" et les poissons du même type (je vous recommande l'excellent article de Patrick Tawil dans l'an cichlid sur le sujet), ces poissons sont appelés les poissons de la lignée III.
Une autre branche, que nous appellerons lignée I, comprend les gros Petrochromis, les teignes, les tueurs en aquariophilie: Petrochromis polyodon, Petrochromis macrognathus, Petrochromis sp. "Kazumbe", Petrochromis sp. "texas", Petrochromis sp. "macrognathus rainbow", Petrochromis sp. "giant" d'un coté, Petrochromis ephipium et Petrochromis trewavasae d'un autre (eux ils sont moins méchants quand même), Lobochilotes labiatus et Simochromis diagramma d'un troisième (quand je vous dit que ce sont les pires).
Une autre branche encore, que nous appelerons lignée II, comprend les petits Petrochromis du groupe famula, avec certainement plusieurs espèces: orange fin, Tembwe, Blue dream, Nkondwe par exemple. Ces poissons sont donc aussi éloignés des gros Petrochromis qu'ils le sont des Tropheus, ou des autres branches de la tribu...
Une autre branche, que nous appellerons lignée IV, comprend Petrochromis fasciolatus, Petrochromis sp. "fasciolatus red eye", Petrochromis orthognathus, Petrochromis sp. "orthognathus Ikola", Interochromis loocki. Ce sont des espèces plutôt gentilles, assez ubiquistes, et peu spécialisées d'un point de vue alimentaire par rapport à celles du groupe I.
Une autre branche encore, que nous appellerons la lignée V, regroupe les espèces un peu basales de la tribu: Ctenochromis horei, Limnotilapia dardennii, Simochromis babaulti, Simochromis marginatus, Simochromis margaretae, Simochromis pleurospilus, Pseudosimochromis curvifrons, "Gnathochromis" pfefferi. Ils sont situés près de la jonction entre les espèces du groupe 1, du groupe 2 et de celles du groupe 4, et ressemblent probablement beaucoup aux ancêtres de tous les tropheines.
Entre la lignée I et la lignée V se trouve un petit groupe d'espèces probablement issues (c'est du moins la dernière interprétation des analyses génétiques) d'une hybridation ancienne entre l'ancêtre commun des poissons du groupe V et un des ancêtres des poissons du groupe I, probablement d'une forme ancestrale du groupe trewavasae/ephippium: il s'agit du groupe des Petrochromis se rencontrant en zone intermédiaire et profonde dans le centre et le sud du lac ( Petrochromis sp. "red Bulu Point", Petrochromis sp. "gold Mtoto", Petrochromis sp. "flame tail", Petrochromis sp. "Kipilli Brown", Petrochromis sp. "orange fin Kitumba").
Ceci implique donc que les genres actuellement définis ne le soient souvent qu'à cause de convergences anatomiques, et des travaux plus poussés sont de toute façon nécessaire afin d'affiner les choses, mais explique au moins pourquoi il y a Petrochromis et "Petrochromis", tant d'un point de vue évolutif que du point de vue aquariologique...